Quelle est la limite entre vie professionnelle et vie privée en matière de licenciement ?
Le 25 septembre 2024 (n° 23-11-860 et n° 23-13-992) la Cour de cassation est venue préciser le caractère illicite du motif du licenciement fondé sur le contenu de messages personnels émis par le salarié grâce à un outil informatique professionnel.
De même, la Cour précise que l’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans les clés USB personnelles de ce dernier constitue une atteinte à sa vie privée et doit donc être proportionné au but recherché.
Pour parvenir à cette solution, les juges rappellent que « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée », laquelle « implique en particulier le secret des correspondances » et qu’« un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ».
La Cour de cassation avait récemment rappelé en 2023 qu’une conversation privée qui n’est pas destinée à être rendue publique ne peut justement constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, et par voie de conséquence, justifier un licenciement disciplinaire.
Mettant en œuvre ces principes, la Cour affirme, en premier lieu, que l’employeur ne peut, sans violation du droit au respect de l’intimité de sa vie privée « utiliser le contenu des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, pour le sanctionner ».
En second lieu, que « le caractère illicite du motif du licenciement fondé, même en partie, sur le contenu de messages personnels émis par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, en violation du droit au respect de l’intimité de sa vie privée, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement ».
Par principe, la Cour considère par ailleurs que l’employeur peut avoir accès, hors la présence du salarié, aux fichiers non expressément identifiés comme « personnels », contenus dans une clé USB, uniquement dans l’hypothèse où cette clé est présumée utilisée à des fins professionnelles ; et cette présomption s’applique lorsque la clé « est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail »
Désormais, il importe peu que ces clés soient personnelles ou professionnelles.
Par conséquent, selon la Cour, « il ressortait que la production du listing de fichiers tiré de l’exploitation des clés USB était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi », et qu’ainsi, bien qu’illicites, « les pièces relatives au contenu des clés USB litigieuses étaient recevables ».
Je reste à votre disposition pour plus d’informations.
Stéphanie LELONG
Avocat – DESS Droit des Entreprises | Ancien Bâtonnier
CABINET D’ALENÇON – 5 rue Valazé – 61000 Alençon