Dans un arrêt essentiel du 8 février 2023 (n° 21-17.763) la chambre commerciale vient préciser que l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission de la créance au passif d’une procédure collective n’interdit pas le contrôle des clauses abusives devant le juge de l’exécution statuant lors de l’audience d’orientation.

Les faits : Par deux actes notariés conclus en date du 30 juillet 2004, un établissement bancaire consent à une personne physique plusieurs prêts destinés à l’acquisition d’un immeuble constituant sa résidence principale. 

Les prêts sont garantis par le privilège de prêteur de deniers et par une hypothèque conventionnelle. Le 15 mai 2009, le débiteur effectue une déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble laquelle a été publiée. 

Voyant les échéances de son débiteur non réglées, la banque créancière décide de prononcer la déchéance du terme le 17 octobre 2011. 

Le 10 mai 2012 et le 7 juin suivant, le débiteur est placé en redressement puis en liquidation judiciaires. La banque déclare au passif ses créances au titre des prêts le 12 juin 2012 et les créances sont admises par ordonnances du 7 novembre 2013. 

La banque fait délivrer au débiteur un commandement de payer valant saisie immobilière le 8 août 2014. Elle l’assigne, par la suite, à l’audience d’orientation devant le juge de l’exécution afin que soit ordonnée la vente forcée de l’immeuble hypothéqué. 

Le débiteur s’y oppose en soulevant la prescription de l’action de la banque et subsidiairement le caractère abusif de la clause d’exigibilité anticipée conventionnellement incluse dans les différents prêts. 

En appel, les juges du fond considèrent que les moyens développés par le débiteur pour contester la validité de certaines clauses des contrats de prêts, en particulier, celle portant exigibilité anticipée de ces derniers sont inefficaces pour remettre en cause la procédure de saisie immobilière puisque la décision d’admission avait autorité de la chose jugée et que le débiteur n’avait pas formulé de tels griefs à ce moment-là. 

Dans un long arrêt, la chambre commerciale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel en précisant « qu’un débiteur soumis à une procédure collective contre lequel a été rendue une décision, irrévocable, admettant à son passif une créance au titre d’un prêt immobilier, qu’il avait souscrit antérieurement en qualité de consommateur, peut, à l’occasion de la procédure de saisie immobilière d’un bien appartenant à ce débiteur, mise en œuvre par le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble constituant la résidence principale du débiteur est inopposable, nonobstant l’autorité de la chose jugée attachée à cette décision, soulever, à l’audience d’orientation devant le juge de l’exécution, une contestation portant sur le caractère abusif d’une ou plusieurs clauses de l’acte de prêt notarié dès lors qu’il ressort de la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée que le juge ne s’est pas livré à cet examen ».

Par voie de conséquence, désormais, le juge de l’exécution doit contrôler les clauses abusives des contrats concernés dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière d’un débiteur soumis à une procédure collective et ce malgré la décision irrévocable du juge commissaire qui admet au passif de la procédure la créance concernée tant que celle-ci n’a pas statué sur la question. 

 

Stéphanie LELONG 

Avocat – DESS Droit des Entreprises

Ancien Bâtonnier

 

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