En ces temps de défaillance croissante des entreprises et de l’augmentation des ouvertures des redressements et des liquidations judiciaires, ou tout simplement des clients rencontrant une difficulté passagère de trésorerie ou contestant le montant de votre facture, les impayées entraînent des conséquences fiscales sur les entreprises ayant une comptabilité d’engagement.

Pour faire simple, la comptabilité d’engagement est une méthode d’enregistrement comptable par laquelle les recettes sont comptabilisées dès l’émission de la facture chez le client et les dettes sont comptabilisées dès qu’elles sont engagées, et ce que les factures clients et fournisseurs soient réglées ou non.

La comptabilité d’engagement est obligatoire pour toutes les sociétés commerciales, sociétés d’exercice libéral, …

Lorsque la récupération de la créance est compromise pour les raisons exposées ci-dessous, l’entreprise pourra corriger son bilan sous certaines conditions, voire récupérer la TVA sur les factures clients non réglées.

Conditions pour modifier son bilan en cas de factures clients impayées

La déduction de la créance non recouvrée, lorsque les conditions sont remplies, doit être déduites sur l’exercice au cours duquel l’impossibilité du recouvrement est constatée.

Cela ne vaut que pour la dette client due en principale car les pénalités de retard sont comptabilisées au jour de leur encaissement.

Modification du bilan par constatation d’une perte

La perte de créance doit :

  • Se rapporter à une créance constatée en comptabilité de manière régulière,
  • Se rapporter à une créance qui se rattache à l’activité normale de l’entreprise, à savoir ce qui est mentionné dans l’objet social d’une société ou les activités déclarées pour une entreprise individuelle,
  • Être subie au cours de l’exercice sur lequel la créance va être imputée.

Le caractère définitif de la perte vient du fait que la créance doit être irrécouvrable. Cette irrécouvrabilité peut provenir :

  • De la prescription de la créance si elle est opposée par le débiteur. Hors certaines particularités, la prescription est acquise au bout de 5 ans pour les créances envers les professionnels et 2 ans envers les consommateurs.
  • De l’insolvabilité du débiteur caractérisée par l’inefficacité des procédures d’exécution (saisies, …), la disparition du débiteur
  • Du prononcer du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire à l’encontre de votre client, le débiteur défaillant

Modification du bilan par l’inscription d’une créance douteuse ou litigieuse

Nous parlons ici des créances douteuses ou litigieuses, à savoir des créances qui sont irrécouvrables mais sans être considérée comme perdues.

En effet, le recouvrement de la créance peut être compromis du fait d’une situation de trésorerie difficile du débiteur ou de l’existence d’un litige sur le montant de la facture.

Dans ce cas, l’entreprise passera une provision pour créance douteuse ou litigieuse, provision qui sera déductible dans le résultat de l’exercice au cours duquel sera constaté les difficultés de règlement du client ou de l’existence du litige.

Cette provision viendra donc diminuer le résultat d’exploitation de l’entreprise.

Pour pouvoir passer une telle provision, il faut que la créance soit régulièrement comptabilisée et qu’elle se rattache à l’activité normale de l’entreprise.

Il faut un risque probable de non-recouvrement qui est apprécié créance par créance.

La seule difficulté de trésorerie passagère d’un client ne suffit pas à constituer une provision pour créance douteuse.

Une provision pour créance douteuse peut être constituée lorsque le débiteur fait l’objet d’un jugement d’ouverture d’un redressement judiciaire.

En tout état de cause que la provision soit passée en tant que créance douteuse ou créance litigieuse, il faut justifier le passage de cette provision par des justificatifs : inscription au BODACC de l’ouverture de la procédure collective de votre client, l’assignation en contestation de la créance, …

En tout état de cause pour passer une créance en perte ou constituer une provision, il faut vous en référer à votre expert-comptable et/ou à votre avocat fiscaliste qui saura vous indiquer si la facture dont vous avez du mal à recevoir le règlement peut être comptabilisée en perte ou constituer une provision.

Lorsque cette perte ou cette provision peut être valablement inscrite au bilan, le montant de cette perte ou de cette provision est limitée à son montant hors TVA.

La TVA versée au Trésor peut, sous certaines conditions, être récupérée.

Conditions pour récupérer la TVA sur les créances irrécouvrables

La TVA perçue à l’occasion de vente ou de services est imputée ou remboursée selon les règles de la déductibilité de la TVA.

Pour pouvoir être récupérée, la créance doit être définitivement irrécouvrable :

  • La preuve de l’irrécouvrabilité doit résulter de la constatation de l’échec des poursuites intentées à l’encontre du débiteur : débiteur introuvable, parti sans avoir laissé d’adresse.
  • Dans le cas de la mise en liquidation judiciaire du débiteur, le remboursement de la taxe peut être effectué dès la date de la décision du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire.
  • Dans le cadre de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire du débiteur, la TVA remboursable est limitée à la quote-part de la créance qui demeurera impayée à l’issue du plan de continuation.

L’imputation ou la restitution de la TVA facturée est subordonnée à la rectification de la facture initiale avec la mention du montant de l’impayé.

L’imputation ou la demande de remboursement de la TVA doit être faite au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l’événement ouvrant droit à la récupération.

Par exemple, pour une créance devenue irrécouvrable en 2021, votre entreprise aura jusqu’au 31 décembre 2023 pour solliciter l’imputation ou le remboursement de la TVA.

Afin d’éviter de payer de l’impôt et de la TVA sur des sommes que votre entreprise ne pourra pas récupérer auprès de ses clients, n’hésitez pas à faire le point régulièrement sur vos impayés.

Pour pouvoir bénéficier de ces réductions de votre résultat d’exploitation et de la restitution de la TVA sur vos impayés, il faut que votre entreprise justifie qu’elle a mis en place une piste d’audit fiable pour l’établissement et le recouvrement de ses factures.

Cette piste d’audit fiable prévoit notamment les procédures mises en place par votre entreprise du recouvrement des impayées : relances client, mise en demeure, procédure judiciaire, procédure de recouvrement.

N’hésitez pas à faire appel à votre expert-comptable et à votre avocat pour pouvoir vous assister en cas de non-règlement de vos factures.

 

 

 

 

Nathalie CATTEAU LEFRANCOIS

Avocate au Barreau d’Alençon

Avocate Associée de TOMYRIS