PETITE REVUE DE JURISPRUDENCE RÉCENTE RELATIVE A LA PROPRIÉTÉ intellectuelle
Septembre 2024
TRIBUNAL DE L’UE, 4 SEPTEMBRE 2024, T‑73/23, EU :T :2024:578, TERTIANUM AG / EUIPO – DPF AG (TERTIANUM) :
QUAND LE TRIBUNAL NOUS FAIT LA CLASSE !
Le débat avait déjà été soulevé pour la classe 38, il y a de cela fort longtemps. Certains considéraient que le fait d’avoir une activité commerciale sur le net, via des sites marchands, équivalait à avoir une activité en classe 38 et incluaient, en conséquence, cette classe dans le libellé des services désignés sous leur marque. La classe 38 désigne essentiellement des « services de télécommunications » et plus particulièrement la fourniture d’accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux. Tant la jurisprudence que la doctrine ont mis fin à cette confusion en réitérant que ces services relèveraient de services purement techniques, à savoir des services exercés par les seuls opérateurs (ORANGE, FREE, BOUYGHES, FRANCE TV, RADIO FRANCE, etc.) de nature à mettre en rapport des individus par un moyen technique (câble, internet, ondes hertziennes, etc.). Il y avait donc erreur de désignation de classe. Le simple vendeur et/ou fabricant vendant ces produits via internet relevait simplement, s’agissant de sa marque, de la classe des produits concernés (de vêtements en classe 25, de voitures en classe 12, de pizzas en classe 30, etc.), ce peu important la façon dont ces produits étaient évidemment commandés et acheminés à ses clients.
La question se pose aujourd’hui relativement à la classe 35 et l’interprétation que certains déposants en font. La société suisse TERTANIUM a fait opposition à la marque de l’Union européenne TERTANIUM de la société allemande DPF en classes 35 pour des services de « gestion de maison de retraite », essentiellement en Allemagne, sur la base de sa marque internationale désignant ce pays. L’EUIPO requiert des preuves d’usage de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition, preuves fournies dont il estime qu’elles ne sont pas en mesure de démontrer le bon usage de la marque. En effet, l’activité du titulaire de la marque devait montrer un usage vis-à-vis des tiers, à savoir vis-à-vis d’une autre entreprise, et non vis-à-vis du consommateur final. C’est bien l’esprit de la classe 35, à savoir les services d’aide « aux entreprises » (B to B). L’activité de cette société relevait en réalité de la simple classe 44 (services plus généraux destinés aux personnes, incluant le soin).
Il en va de même des services de « publicité » dans cette même classe, qui ne peuvent correspondre qu’aux seuls services rendus par une agence de communication, de marketing ou de publicité (HAVAS PARIS, PUBLICIS..) à destination des tiers et non la publicité que fait le déposant de sa propre entreprise.
Cette décision s’inscrit, somme toute, dans l’esprit de l’arrêt Burlington de la Cour de justice (C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU : C :2020:151, point 126 in fine) qui a rappelé le principe régissant le droit des marques relativement aux services. La Cour avait jugé que les « services de vente au détail » en classe 35 devaient être « fournis pour le compte de tiers et relativement aux produits de tiers » et non pour ses propres produits.
Il a pu être ainsi mis en exergue l’importance de ce qui pourrait relever d’une simple erreur administrative, la marque étant, en fin de compte, mal protégée et susceptible d’une action en déchéance pour usage équivoque.
Laurence DENIS-LEROY
Mandataire européen auprès de l’EUIPO
European Trademark and Design Attorney
Membre de l’APRAM – Association des Praticiens du Droit des Marques et des Dessins et Modèles