PROTECTION DES MARQUES DE RENOMMÉE : UN PETIT TOUR ET PUIS S’EN VONT

La société du TOUR DE FRANCE protège ses marques de renommée « TOUR DE FRANCE » et « LE TOUR DE FRANCE » dans un certain nombre de classes dont celle 25 (vêtements), 28 (équipements de sport) et 41 (activités sportives et culturelles) dont elle assure la surveillance.

Cette dernière fait opposition à l’encontre d’une marque de l’UE « TOUR DE X » déposée par une société allemande pour les mêmes produits et services dans les mêmes classes. La société allemande a pour activité la gestion de clubs de fitness.

Contre toute attente, l’Examinateur rejette l’opposition, indépendamment du caractère notoire des marques antérieures invoquées, de l’identité des produits et services et de la similarité des signes.

Le Tribunal de l’UE est saisi et confirme la position de l’EUIPO au motif « qu’il résulte, du faible caractère distinctif du seul élément commun « tour de » et du faible degré de similitude entre les droits en conflit, que le public pertinent ne confondra pas les marques (point 65) » (Tribunal de l’UE, 12 juin 2024, T-604/22, EU: T: 2024:360, Société du Tour de France / EUIPO – FitX Beteiligungs GmbH).

Ce dernier qualifie de « descriptive l’expression “tour de” très couramment utilisée dans le contexte de compétitions cyclistes et possédant un caractère distinctif très faible, voire inexistant, qui n’amènera pas le public pertinent à percevoir un lien entre les marques en conflit, et ce même à supposer que la renommée des droits antérieurs soit exceptionnellement élevée ».

Cette décision est éminemment très sévère à l’encontre de cette compétition sportive française légendaire mondialement connue dont l’élément « TOUR DE » est de haute renommée. Cette renommée est évidemment de nature à combler le caractère faiblement distinctif « per se » de l’expression « TOUR DE », appliquée aux produits et services désignés. Les juges n’ont pas même pris en compte la forme de la voyelle « O » de la marque postérieure, ressemblant étrangement à une roue.

Considérons cette affaire comme une affaire d’espèce, utile au moins pour la reconnaissance par le Tribunal de la notoriété élevée du nom de la Grande Boucle en Petite Reine.

 

DECHEANCE PARTIELLE DE LA MARQUE BIG MAC : MC DONALD’S PREND UN COUP DANS L’AILE

La marque iconique BIG MAC est déposée depuis 1996, à titre de marque de l’UE, par la société de restauration rapide MC DONALD’S.

Une société irlandaise concurrente, dénommée SUPERMAC’S, intente en 2017 une action en déchéance de marque devant l’EUIPO concernant certains des produits alimentaires en classes 29 et 30  (plus particulièrement les sandwiches à la viande, au porc, au poisson, au poulet) et certains des services en classe 42 (services fournis ou liés à l’exploitation de restaurants et d’autres établissements ou infrastructures de restauration pour la consommation et le drive-in » et les services de « franchise de restaurants ») de la marque BIG MAC.

Le Tribunal rejette les preuves d’usage fournies que la Chambre avait pourtant accueillies favorablement, pour les « aliments à base de volaille » et les « sandwiches au poulet » jugeant que « ces preuves ne fournissent aucune indication sur l’importance de cet usage invoqué, notamment en termes de volume des ventes, de durée des actes d’usage et de leur fréquence (point 47) » (Tribunal de l’UE, 5 juin 2024, T-58/23, EU:T:2024:360, Supermac’s (Holdings) Ltd / EUIPO – McDonald’s International Property Co. Ltd). Il en fait de même avec les services ci-dessus mentionnés, que la Chambre avait assimilés à tort à des services de restauration rapide, les preuves concernant, de plus, essentiellement des produits.

Cette décision n’empêchera pas la société MC DONALD’S de faire valoir ses droits de marques notoires enregistrée pour ses produits leaders et majeurs et ses services de restauration rapide, de nature à lui conférer un monopole et une protection bien au-delà de son périmètre. Était-il vraiment nécessaire pour la société concurrente de voler ainsi dans les plumes de la société américaine ?

 

MARQUE TRIDIMENSIONNELLE VOLVO RECONNUE VALABLE : UN ECLAIRAGE UTILE

La validité de la marque tridimensionnelle, dont celle consistant en la forme du produit lui-même, a toujours fait couler beaucoup d’encre, qu’elle fût française ou de l’Union Européenne.

Un jugement du Tribunal de l’UE du 26 Juin 2024 (Tribunal de l’UE, 26 juin 2024, T‑260/23, EU : T : 2024 : 421, Volvo Personvagnar AB / EUIPO) vient préciser un point, celui de la perception du public pertinent dans l’appréhension du caractère distinctif de la marque. Si les conditions de validité des marques tridimensionnelles sont les mêmes que celles des marques verbales, la prise en compte de la perception du public pertinent est différente.

Une marque tridimensionnelle de phare automobile, déposée en classe 11, par la société VOLVO, est refusée à l’enregistrement par l’examinateur, refus confirmé par la Chambre des Recours au motif que cette marque était dépourvue de caractère distinctif (modèle de la marque ci-dessous).

L’affaire est portée devant Le Tribunal de l’UE. Le Tribunal a estimé que la « forme graphique claire et géométrique avec une ligne horizontale se terminant par une forme verticale avec de petits angles, formant un ‘Y’ horizontal » était une forme « de nature à retenir l’attention du public concerné et à permettre à ce dernier de distinguer les produits visés par la demande d’enregistrement de ceux ayant une autre origine commerciale » (point 42). Ce dernier ajoute que « les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel » (point 17). Il rappelle que « seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif ».

En résumé, le consommateur percevra la marque tridimensionnelle de manière plus arbitraire qu’une marque verbale, appliquées aux mêmes produits, étant moins habitué à appréhender des éléments purement figuratifs en 3D à titre de marque. Cette décision pourrait constituer un ‘’ éclairage ’’ utile dans ce méandre jurisprudentiel.

 

 

 


Cabinet LAWrence / Laurence Denis-Leroy/ 18/07/2024